Terry McGhee

Terry and McGhee Terry and McGhee
huile-toile, 41x33

cliquez sur l’image pour l’agrandir !

Ces deux là aimaient tant Blind Boy Fuller qu’ils ont été jusqu’à ne plus pouvoir se supporter pour continuer de le faire entendre. Sonny Terry et Brownie McGhee ont décliné pendant près de trente ans les accents du Piedmont sur toutes les scènes bleues de la planète, des échafaudages sommaires des premiers meetings folk des années 50 aux plateaux prestigieux des salles savantes des grandes capitales du monde. Peu d’artistes de blues ont touché un public aussi large.

Pour avoir joué par hasard devant des publics aux idées protestataires, Terry et McGhee se sont d’abord fait remarqués par les sourcilleux services fédéraux. Mais à l’aube des années 60, le temps joue pour eux et les voilà bientôt devenus les hérauts d’un folk-blues réunificateur et auprès de toute une génération blanche et engagée.

Ignorés à Harlem mais encensés par Greenwich, le duo récolte la mise avec une brassée d’airs traditionnels qui deviendront leur fond de commerce. Pourtant, limiter leurs talents à l’exhumation méthodique de trésors patrimoniaux comme “John Henry” ou “Pick A Ball Of Cotton” ne saurait rendre compte de l’étendue réelle de leur blues. A l’image d’un Brownie McGhee, et de son hit “My Fault” sorti dès 1948, qui pouvait tout aussi bien découper de savoureuses envolées électriques dans n’importe quelle tranche de bon rhythm & blues.

Mais leur destin n’était pas là. Exit les Brownie McGhee & His Jook House Rockers et les Sonny Terry & His Buckshot Five des années d’après guerre, quand ils s’escrimaient chacun de leur côté aux frontières du jump blues, entourés de cuivres honky tonk et de pianos boogie. C’est simplement munis de six cordes naturelles et d’un minuscule harmonica que Brownie McGhee et Sonny Terry, unis pour la légende, vont pour toujours symboliser le versant scout du blues des campagnes.

Il est vrai que leur complémentarité saute à l’oreille. Les deux hommes n’étaient pas forcément faits pour s’entendre mais pour ce qui est de leurs jeux, ils s’assemblent naturellement. L’harmonica pénétrant et fluide de Terry comme son timbre rugueux, entrecoupé par cette façon unique qu’il a de lancer son “ whoop” – ce joyeux couinement devenu sa signature – se marient avec bonheur au chant charmeur et aux lignes de guitare soyeuses de McGhee.

Placé d’entrée sur un piédestal, le duo tourne pendant plus de deux décennies avec la régularité d’un parcours sur orbite, se produisant onze mois sur douze, sans discontinuer, entre 1958 et 1980. Et leur discographie suit, témoignant de l’infaillible maîtrise des duettistes tout autant qu’elle illustre la singulière immobilité de leur art. Elle comporte des trésors (“Brownie McGhee & Sonny Terry Sing”, “Brownie McGhee & Sonny Terry At The 2nd Fret”, “Live At The New Penelope Café”) mais n’évite pas la répétition. Pour devenir ces impeccables techniciens de surface pour public tout terrain, Brownie McGhee et Sonny Terry ont souvent du sacrifier de la profondeur. Du coup, il vaut aussi d’aller grappiller à la marge ce que l’un et l’autre ont produit seuls et qui mérite le détour, comme leurs “Back Country Blues” et “Backwater blues” respectifs.

Usé par l’huis-clos artistique dans lequel leur renommée a fini par les enfermer, le duo commence à battre de l’aile à la fin des années 70 et finit par se séparer. L’un et l’autre continueront, chacun de leur côté, de jouer le même blues jusqu’au bout, survenu en 1986 pour Sonny et dix ans plus tard pour Brownie, laissant finalement intacte la véritable institution que leur association a représentée dans l’histoire du blues.

 

This entry was posted in Peintures and tagged , , , , , , , , . Bookmark the permalink.